Ce n’est pas un secret, nous vivons dans une société qui a peur de vieillir, qui est obsédée par l’image et le corps – mais pas n’importe quel corps. Un corps jeune, mince, gracieux, sexuel; un corps qui ne vieillit pas, qui reste figé dans le temps. Nombreuses sont les célébrités, autant au Québec qu’à l’international, qui font les manchettes et sont encensées pour avoir réussi à garder un corps semblable à celui de leur vingtaine, alors qu’ils atteignent la quarantaine ou la cinquantaine. Pourquoi les féliciter d’avoir vieilli « en beauté »? Et pourquoi sommes‑nous terrifiés à l’idée d’un corps âgé qui garderait les attributs sexués de son jeune âge?
Microclimat Films se positionne en marge du conventionnel – contre le mainstream. La maison de production a choisi son nom pour signifier cette rupture avec le climat général, en créant son propre microclimat d’avant-garde du cinéma d’auteur québécois. Le film qui cimente l’existence de Microclimat Films, ses premières racines, c’est Anatomie : on y explore l’intimité au travers des corps âgés, mais toujours désirés et désirables, des acteurs Gilles Pelletier et Françoise Graton, deux figures importantes du théâtre québécois. Le film, réalisé par Patrick Bossé, met en scène l’intimité et la connexion réelles des acteurs, qui partageaient leurs vies derrière les caméras. Sans dialogue, il nous confronte à ce dont l’amour et la sensualité peuvent avoir l’air lorsque nos corps vieillissent.
Nombreux sont ceux qui préfèrent ne pas penser à la sexualité de leurs parents ou de leurs grands-parents – et surtout pas à leur propre sexualité, lorsque leurs corps seront ridés, moins fermes, peut-être malades. Nous associons le fait de vieillir avec le déclin de nos habiletés physiques et de notre santé. Nous avons une peur bleue des rides, qui sont pourtant des preuves que nous avons vécu une vie pleine d’émotions – parfois d’inquiétude et de stress, mais aussi de rires et de sourires.
La vieillesse n’apporte pas que le déclin de la santé, elle apporte également un bien-être émotionnel – il s’agit du paradoxe de la vieillesse. En effet, des recherches suggèrent que la santé mentale aurait tendance à s’améliorer avec l’âge. Alors que nous serions plus réceptifs au stress et à l’anxiété dans notre jeunesse, les cheveux gris nous apportent la tranquillité d’esprit grâce à la sagesse (sans blague). Les personnes âgées auraient une meilleure connaissance d’eux-mêmes, ainsi que des qualités plus développées telles que l’empathie, la compassion et la patience.
Dans notre société, nous avons oublié que nos parents et nos grands-parents sont des personnes complexes, à part entière, en plus d’être ceux qui nous ont donné la vie, et que leur besoin d’intimité reste important malgré leur âge. De la même manière que l’on trouve étrange le fait d’arriver à l’âge adulte alors qu’on ne se sent pas nécessairement ni différent ni « adulte » après notre 18e anniversaire, les aînés ne se sentent pas différents non plus. Ils traversent le temps et n’oublient pas leurs désirs et besoins charnels malgré les anniversaires accumulés. En voyant Anatomie, qui nous permet d’entrer dans la bulle intime de Gilles et Françoise, c’est indéniable : vieillir est un privilège.